notules

Notices d’œuvres contemporaines rédigées entre 2008 et 2011 pour Le Grand tournant de Philippe Sers (à paraître à la rentrée 2012 aux éditions Fernand Hazan, pour la France, et Scala, pour l’Italie). Cet ouvrage devrait finalement s’intituler L’expérience de la vérité en art : à suivre…

1/ Le message de la personne :

On Kawara, série I woke up at ou télégrammes I’m still alive, etc.

2/ Identité culturelle :

Ilia Kabakov, Labyrinthe. L’album de ma mère, 1990 (Labyrinth. My mother’s album) : installation présentant les archives personnelles (textes, images, etc.) d’un personnage fictif inventé par l’artiste, Bailey Solodukhina. Dispositif mémoriel construit autour d’un couloir rappelant les appartements communautaires de Moscou. Il s’agit de mettre en communication mémoire individuelle et collective soviétique en impliquant l’imagination du regardeur par la disposition spatiale. Le sens est convoqué dans la confrontation entre les formes illusoires de l’idéologie et une forme de vie authentiquement humaine que le régime rendit pourtant possible et qui est menacée de disparition par l’irruption déchaînée du capitalisme néolibéral.

3/ Esprit du temps :

Ilia Kabakov, Dans le placard, 2000 (In the Closet) : installation au pavillon Utopia Station regroupant des artistes indépendamment de l’appartenance nationale officielle dans la Biennale de Venise. Il s’agit d’un « placard » aménagé comme une habitation. Le « décor » ne se réfère plus au monde « perdu » de l’URSS mais renvoie néanmoins en réduction dans son organisation aux autres installations de l’artiste. L’utopie est toujours à l’ordre du jour, mais elle est à trouver et à construire dans la vie quotidienne, par un écart personnel à l’ordre établi néolibéral représenté par une institution culturelle comme la Biennale de Venise : une « contre-conduite ».

4/ Éléments intemporels et universels :

Bill Viola, Triptyque de Nantes, 1992 (Nantes Triptych), installation vidéo créée à la chapelle de l’Oratoire, Musée des Beaux-arts de Nantes : triptyque composé de trois grands écrans plats vidéos montrant à gauche du regardeur la naissance du fils de l’artiste, à droite la mort de sa mère et au milieu un homme qui semble endormi plongé habillé dans l’eau. Cette œuvre reprend en les spatialisant les principaux éléments de la vidéo long métrage Le passage, 1991 (The Passing), croisant vie (naissance), mort, rêve et mémoire. Tandis que la forme cinématographique de la vidéo insiste sur le processus d’anamnèse qui rattache affectivement l’artiste en tant qu’individu à ses proche dans la durée constitutive de son être et, par là, à lui-même, l’installation « ritualise » la méditation, insiste sur le rapport mystérique du vivant à l’éternité et met en tension le mode de la vanité (memento mori) et l’espérance de la résurrection portée par le don de la vie dans un suspens « dialectique » propre à l’image.

5/ Inspiration provoquée :

art psychédélique (?)

6/ Hasard ou occasion :

Richard Long

7/ Rêves et univers du merveilleux :

Ilya Kabakov, L’homme qui s’est envolé dans l’espace depuis son appartement, 1985 : installation créée la première fois dans l’atelier de l’artiste à Moscou ; une chambre au plafond crevé avec en son centre une catapulte bricolée en caoutchouc, les murs couverts d’images se rapportant au rêve d’évasion, est visible d’un vestibule à travers des planches clouées devant l’entrée. Le vestibule comporte un manteau accroché et divers textes explicatifs. L’œuvre condense le désir d’arrachement à la société communiste « gelée », le désir universel de liberté spirituelle et un hommage à l’utopie russe de vol intersidéral.

Bill Viola, Je ne sais pas à quoi je ressemble, 1986 (I do not know what is it I am like) : vidéo long métrage, 89 mn ; rendre visible le jeu de la durée et de la métamorphose à travers un usage méthodique des moyens techniques nouveaux que la vidéo apporte à la constitution de l’image cinématique. C’est ici le moyen d’explorer et de rendre communicable l’expérience « chamanique » d’une conscience élargie à la mémoire du vivant par une plongée dans le corps et le regard animal (poisson, oiseau…).

8/ Vision prophétique et appel à l’au-delà :

Manzoni, Socle du monde

9/ Art nègre :

Robert Filliou : le nom du Poïpoïdrome est inspiré du mot Poïpoï qui ponctue les discussions par lesquelles les Dogons du Mali se disent bonjour et s’enquièrent les uns des autres lors de leurs rencontres quotidiennes (voir rubrique « désintéressement »).

10/ Indiens d’Amérique :

Charles Simonds, Dehors/dedans, 1974 (Outside/inside) : maquette en terre de site archéologique d’une civilisation précolombienne imaginaire disparue, mais fortement inspirée de l’architecture pueblo, répartie de part et d’autre d’une vitrine de magasin d’un quartier hispanique de New York (comme la plupart de ses autres interventions de même nature). La moitié exposée au dehors se dégrade, tandis que la partie abritée reste intacte. Ce qui engage une réflexion complexe mettant en relation d’analogie les statuts ambigus de l’artiste comme individu « non fonctionnel » et des indiens d’Amérique comme communauté survivante d’un génocide : étrangers à l’ordre établi, ils ne survivent pourtant qu’à l’abri de l’« enfer climatisé » du néolibéralisme tout en lui résistant par leur différence irréductible et leur intériorité même.

11/ Icônes :

Lorenzo Mardaresco, Ritus digitalis, 1994 : un écran vidéo miniature inséré au centre d’une planche d’icône entièrement dorée à la feuille. Mise en tension entre deux formes a priori antagonistes de captation de l’attention et, par là même, montage spatial de deux modes de temporalités : contemplation et éphémère, éternel présent de la méditation et distraction de l’instant, extase et flux. Les proportions mêmes de l’œuvre semblent suggérer une solution possible à l’intrusion de l’image médiatique : son absorption dans le champ iconique et sa réduction au mouvement et au rayonnement ; dès lors, positivement il s’agit aussi d’un geste fondamental de la tradition spirituelle : au lieu de la violence « sainte », l’invitation à un changement du regard assez profond et conséquent pour transformer le monde. Une façon toute « contemporaine » de retrouver l’intention du suprématisme.

12/ Récits scripturaires et mystiques :

Gary Hill, Perturbation (parmi les jarres), 1988 (Disturbance (among the jars)) : installation vidéo (7 moniteurs et vidéodisques couleurs, 1 bande son, 1 synchronisateur, 7 chaises en bois, salle blanche) ; le point de départ, ce sont les écrits gnostiques retrouvés à Nag Hammadi, Egypte, en 1945 dans une jarre. Certaines images de « désert » sont tournées dans le pays Cathare au sud de la France. On voit aussi un serpent, rappelant le Tentateur, passer d’un moniteur à l’autre en les reliant de toute sa longueur en même temps que son corps se trouve fragmenté par l’écart entre les moniteurs. Une femme noire d’une grande beauté imite avec ses bras le mouvement ondulant du serpent et semble désigner un homme (l’artiste) à l’autre bout qui répète certains mots puis croque une pomme à plusieurs reprises. Différents lecteurs se succèdent lisant notamment des extraits de la traduction française du texte gnostique, dont Jacques Derrida. L’écriture, support de la déconstruction du logocentrisme et de la métaphysique de la présence, est en même temps le lieu de jonction entre esprit et matière (sur la dualité desquels insiste le texte gnostique) dont témoigne la construction spatiale et temporelle de l’image.

13/ Art japonais :

Yves Klein : sans créer une œuvre identifiable à ce sujet, celui-ci a mis en scène et « médiatisé » son voyage au Japon, l’acquisition d’un grade élevé de judoka et son conflit avec la fédération française quant à son droit à prétendre au titre de maître afin d’ouvrir une école. Il semble que ce conflit portait aussi en réalité sur deux conceptions différentes du judo : celle de la fédération française, purement sportive, et celle de l’artiste qui entendait mettre en relief son caractère de discipline spirituelle liée au Bouddhisme Zen. L’enjeu est toujours pour Yves Klein l’idée de vide et les modes de son expérience phénoménale, central dans son œuvre.

Robert Filliou : d’abord poète, il rencontre le Bouddhisme Zen, comme beaucoup d’artistes de sa génération. Mais il ira jusqu’au bout de cette aventure spirituelle en refusant de devenir un professionnel du monde de l’art et en se retirant dans un centre d’études tibétaines aux Eyzies-de-Tayac, Périgord, où il mourra en 1987. Sa conception personnelle de la rencontre entre l’art et la vie, sa pratique de la performance au sein du groupe Fluxus, comme le principe d’équivalence entre bien fait, pas fait et mal fait (Principe d’équivalence, 1968) forment une des plus pertinentes reprises de « l’esprit saint » de Dada ressourcée à la spiritualité d’extrême-Orient. Animée par une réelle intention de rencontre entre Orient et Occident, cette démarche est guidée par l’intuition que les moyens artistiques permettent en cela de « transgresser » les barrières conceptuelles et linguistiques généralement invoquées pour en justifier le refus.

14/ Tradition chinoise :

John Cage

15/ Art populaire :

Mike Kelley (en collaboration avec Tony Oursler), Le projet des poétiques, 1977-1997 (The Poetics Project) : installation multimédia en deux parties, une salle comportant des écrans vidéo géants diffusant en continu des entretiens avec des personnalités marquantes du rock « post-punk » des années 80-90, une autre salle organisée comme un labyrinthe de panneaux sur lesquels sont épinglées des images imprimées, des dessins de l’artiste et parfois projetées des images vidéo de petites dimensions, et des sculptures-assemblages. L’ensemble est une synthèse de la réflexion de l’artiste sur la rencontre entre culture d’élite et culture populaire, laquelle comporte des éléments médiatiques réappropriés par des détournements d’anonymes ou de l’artiste lui-même, où les différentes imageries religieuses qui se mêlent dans le multiculturalisme américain de la côte ouest sont confrontées. Cette nouvelle forme de « synthèse des arts » est sous-tendue par une pensée de la rencontre entre art et anthropologie pour une philosophie de la culture. L’un des principaux supports de réflexion de l’artiste, outre l’importance considérable du rock en tant que forme de vie, ce sont les autels religieux populaires parfois de grandes dimensions et richement parés considérés par lui comme des sculptures.

16/ Kitsch

Broodthaers

17/ Art des malades mentaux :

Dubuffet

18/ Exemples chinois de la trace vitale :

Yves Klein, Anthropométries

19/ Rôle de la photographie, l’œuvre et son double :

Buren

20/ De l’état transcendant de vie au ready-made :

T. Kantor

21/ Éthique du témoignage :

Gerhard Richter, 18 octobre 1977 : série de 15 portraits et de vues (prison, obsèques) peints en noir, blanc et gris d’après des photographies de presse et de police, sur l’emprisonnement et les « suicides » en prison de membres du groupe terroriste d’extrême-gauche Baader-Meinhof. La rencontre entre la méthode habituelle de l’artiste, quant à son archive personnelle d’images de presse (L’Atlas) traitées comme sujets picturaux, et l’événement historique (à la fois histoire contemporaine à l’artiste témoin et ce qu’elle implique de la relation collective au passé, en l’occurrence le nazisme non assumé par les aînés) fait sens. La peinture permet d’accuser la temporalité et le rapport à la mort inhérent à l’image de presse en accentuant sa texture, le flou et donc le trouble du regard. Elle dissout la pseudo-objectivité chosifiante et l’émotionnalité indifférente de la photographie de presse pour ouvrir la voie et rendre justice aux affects, à l’indicible, au drame : l’isolement, la pensée de la mort, la souffrance existentielle et le destin personnel au regard de l’histoire.

22/ La communication indirecte :

Georges Brecht

23/ Concept, projet, réalisation :

Yona Friedman

Nicolas Schöffer

24/ La boîte à idées instrumentale :

Georges Brecht

25/ Ensemble d’œuvres :

T. Kantor

26/ Cohérence méthodique :

Buren

27/ Système axiomatisé :

Opalka

28/ Interpellation :

Beuys

29/ Choix et décision vitale :

Guy Debord

30/ L’œuvre instrument de vérité :

Kantor

31/ Discernement éthique :

Beuys

Kantor

32/ Théorie et philosophie de l’art :

Dan Graham : ses textes sur les relations entre arts plastiques, dispositif de projection cinématographique et architecture forment un dialogue constant avec l’essentiel de ses installations destinées à une « mise en abîme » des rapports entre espace social, « conscience intime du temps » (Husserl) ou sentiment de la durée (Bergson) du regardeur et temporalité des techniques de visibilité et de production de l’espace social (les pavillons, les portes-tourniquets et les installations combinant miroirs et circuit vidéo entre caméra et moniteur). Cette « mise en abîme » n’est pas seulement critique, mais destinée à en penser les articulations possibles par ces stratégies artistiques du « transfert d’évidence ».

Allan Kaprow : « L’héritage de Jackson Pollock » est un texte fondateur capital pour penser le passage, fait de continuité et de rupture (liée à l’expérience existentielle de la deuxième guerre mondiale, des totalitarismes et de la division du monde en deux blocs idéologiques sur des bases purement séculières, c’est-à-dire politiques et économiques, confrontée à l’émergence, significative dans ce contexte, d’institutions culturelles administrées et d’un marché de l’art voué à la mondialisation), entre avant-gardes radicales et « art contemporain ». Ce texte est intimement lié à l’enregistrement photographique et cinématographique des gestes de Pollock au travail par Hans Namuth (que Kaprow ne cite pas) ; il est la matrice de ses autres textes, notamment sur le happening et la « performance ». Allan Kaprow est de formation philosophique en tant que disciple de John Dewey, dont la philosophie pragmatique accordait une grande importance aux supports artistiques dans la construction d’un espace social démocratique, philosophie que l’artiste entend mettre en pratique et à l’épreuve dans sa démarche.

33/ Tentatives internes d’interprétation générale :

?

34/ Le titre indication du contenu :

?

35/ Le titre contrepoint de l’œuvre :

?

36/ Récit compte-rendu d’expérience :

Tony Smith : « Si l’on suit encore Simondon [Du mode d’existence des objets techniques], en effet, il y a un sublime spécifique du nouveau système réticulaire technique, dispensateur d’un réseau de forces, de nouveaux « haut-lieux » formant potentiellement un réseau mondial ayant une nouvelle valeur normative « religieuse », c’est-à-dire capable de relier les intensités et de former un nouveau support de la valeur, et politique en tant que finalité à partir de laquelle s’articulent en commun le discours et les figures de l’être-ensemble. Il donne alors l’exemple d’une route, ce qui, dans le champ de notre recherche, nous renvoie à l’expérience de Tony Smith, en tant que l’événement générique après-coup de l’art minimal. Voici le récit de Tony Smith, vers 1951-52 :

C’était une nuit sombre et il n’y avait pas d’éclairage ni de signalisation sur les côtés de la chaussée, ni de lignes blanches, ni de glissière de sécurité, ni quoi que ce soit, rien que l’asphalte qui traversait un paysage de plaines entourées de collines au loin, mais ponctué par des cheminées d’usine, des pylones, des fumées et des lumières colorées. Ce parcours fut une expérience révélatrice. La route et la plus grande partie du paysage étaient artificiels, et pourtant on ne pouvait pas appeler ça une œuvre d’art. D’autre part, je ressentais quelque chose que l’art ne m’avait jamais fait ressentir. Tout d’abord, je ne sus pas ce que c’était, mais cela me libéra de la plupart des opinions que j’avais sur l’art. Il y avait, semblait-il, une réalité qui n’avait aucune expression dans l’art. L’expérience de la route constituait bien quelque chose de défini, mais ce n’était pas socialement reconnu. Je pensais en moi-même : il est clair que c’est la fin de l’art.[In Georges Didi-Huberman, Ce que nous voyons, ce qui nous regarde, Paris, Minuit, 1992, p. 70.]

Dix ans plus tard, Tony Smith invente deux sculptures : The Black box (1961) et Die (1962). La « fin de l’art » est donc la fin de la clôture de l’œuvre sur elle-même en tant que symbole des secrets cachés de la nature ou de ce qui est « socialement reconnu ». C’est la mort du système des beaux-arts. La route, elle-même dépourvue de signalisations, transforme en signes tout ce qui la borde de près ou de loin : signes d’écriture, ponctuations et accents. Les sculptures de Tony Smith témoignent alors dans leur opacité de ce retournement de l’art vers l’espace dans lequel l’acte ou la trace pose un caractère d’écriture, un accent et une résonance, un ton pour le spectateur qui se trouve exposé lui-même à un non-objet témoignant d’un texte invisible. » [extrait de ma thèse sur Eisenstein, p. 463]

37/ Récit explication du processus créatif :

Beuys

38/ Exposé d’intention :

Joseph Kosuth, « L’art après la philosophie », 1969 : essai en trois parties paru dans Studio International ; « Le vingtième siècle a introduit un âge qu’on pourrait nommer “la fin de la philosophie et le début de l’art”. Je ne veux pas dire cela au sens strict, naturellement, mais plutôt indiquer une “orientation” de la situation. », cette citation donne le ton de cette provocation en même temps très construite et argumentée ; l’approche hégélienne de la philosophie de l’art se voit opposer une fin de non recevoir. Wittgenstein est le point de départ de la réflexion de l’art conceptuel sur les rapports artistiques entre langage et référent, mot et chose, où le discours acquiert le statut de matériau artistique comme les autres. Il n’y a donc pas un langage privilégié de la vérité (par exemple le discours), mais la recherche de celle-ci par une mise en rapport des signes et des formes dans l’espace d’exposition : voir par exemple l’œuvre-manifeste Une et trois chaises, 1965 (One an three chairs).

39/ Intactilité :

Olafur Eliasson, Votre embrasseur d’espace, 2004 (Your Space Embracer) : installation avec projecteur lumineux et disque de métal réfléchissant (environ 10 cm de diamètre) suspendu à un cable fin relié à un moteur rotatif ; le dispositif d’une extrême simplicité, mais techniquement très soigné, met en jeu la perception de l’espace, du mouvement et de la lumière pour faire basculer le regardeur dans une transformation de l’espace donné par-delà la matérialité du dispositif lui-même. Outre la reprise évidente des expériences fondatrices de l’art cinétique, tel le Modulateur espace-lumière de Moholy-Nagy, l’œuvre d’Olafur Eliasson est un bon exemple de la conscience artistique des transformations de la sensibilité apportées par le cinéma.

40/ désintéressement :

Robert Filliou, Poïpoïdrome à Espace-temps Réel Prototype 00, 1963 (en collaboration avec Joachim Pfeufer) : il s’agit d’un prototype d’espace artistique de rencontre et d’action communautaire ; « Le Poïpoïdrome est une relation fonctionnelle entre la réflexion, l’action et la communication. », déclare l’artiste. Véritable prototype architectural autoconstructible et transformable destiné à abriter des activités culturelles utopiques, inspiré par un mot clé de la sociabilité traditionnelle en pays Dogon (Poïpoï), dont les « co-architectes » Filliou et Pfeufer cèdent les plans descriptifs, les droits d’utilisation et même des conseils d’adaptation au lieu pour un franc symbolique à ceux qui le leur demandent. Le Poïpoïdrome à Espace-temps Réel N°1, fut ainsi réalisé à Budapest dans Le Club des Jeunes Artistes et présenté au public le 17 septembre 1976.

41/ Itinéraire intérieur :

Hugo Rondinone, Rondeau, 2001-2002 (Roundelay) : le titre de cette installation vidéo reprend à dessein le titre d’un poème de Samuel Beckett, pour lequel le montage cinématographique était le lieu d’une pensée de l’écriture permettant de penser la discontinuité de l’expérience (il tentera sans succès une correspondance avec Eisenstein en 1935) ; elle comporte six écrans géants dans un espace hexagonal, dans lequel on entre par un petit corridor, tapissé de toile de jute, de feutre et de laine au plafond (suggérant une toile d’araignée), dans une lumière orangée. Sur des extraits remontés d’une musique minimale de Philippe Glass, nous voyons un jeune homme et une jeune femme marcher seuls interminablement de jour et de nuit sur la dalle du quartier de tours de Beaugrenelle à Paris, passant par les mêmes lieux sans jamais se rencontrer dans un même plan. Le paradoxe des espaces architecturaux que nous les voyons parcourir est qu’ils sont à la fois des dedans et des dehors, déserts et fermés, comme un labyrinthe à ciel ouvert. Cela renvoie le regardeur à la relation à l’image que cette installation propose, par l’affect : le terme de cet itinéraire, la rencontre effective entre cet homme et cette femme doit s’accomplir dans son expérience intérieure.

42/ Temps et espace :

Dan Graham, Présent continu passé(s), 1974 (Present Continuous Past(s))

43/ Couleur et lumière :

James Turrell, Cellule de perception, 1992 (Perceptual Cell) : la plupart de ses installations reposent sur un même procédé consistant à susciter une lumière indirecte au néon coloré par des caches qui ne se distinguent pas des parois de l’espace d’exposition ; la « boîte blanche » est transfigurée par une lumière colorée dense créant son propre espace en se diffusant (Diffusion, 2003 (Spread), par exemple). Le regardeur fait l’expérience d’une véritable immersion dans la lumière colorée. Dans l’œuvre citée, la boîte est réduite à une cellule fermée pour un seul corps avec en son centre en haut une ouverture dans laquelle le regardeur introduit sa tête. Une sorte de tableau de bord comporte des variateurs lui permettant de régler lui-même la couleur et la lumière. De famille quaker d’origine franco-irlandaise, l’artiste se réfère à cette spiritualité réaliste de l’illumination spirituelle (« Entrer en soi pour saluer la lumière »). Il a également conçu des éclairages colorés à programmation variable pour des lieux de travail (dans la meilleure tradition constructiviste de la synthèse des arts), dont ceux de la Caisse des dépôts et consignations en 2003 à Paris et du centre de design de PSA Peugot Citroën à Vélizy en 2005.

44/ Forme et rythme :

Sol LeWitt

45/ Matériaux :

Klein, Le Vide/Arman, Le Plein

46/ Expérience de l’absolu :

Yves Klein

Gina Pane

Ulla Rousse, In extasis, 2009 (?)

47/ Création et connaissance :

G. Penone

48/ Économie du matériau :

Toni Grand, Bois sec équarri, abouti en ligne courbe fermée, 1976 : œuvre typique de la démarche de l’artiste dans laquelle une réflexion rigoureuse sur le matériau produit la forme (en écho à Tatline) ; cette démarche implique une éthique et une pensée anthropologique de la relation de l’être humain à la nature à travers les gestes de transformation et de dévoilement qu’il engage.

49/ Confrontation des résonances :

Sol LeWitt

50/ Confrontation des contenus :

Chris Marker, Sans soleil, 1982 : film de montage de prise de vues « documentaires » ; c’est une anamnèse et un travail de deuil des espérances révolutionnaires des années soixante, à travers une voix off féminine lisant les lettres d’un caméraman cosmopolite. Le film déploie ses tensions dans le temps entre cette période des « printemps » révolutionnaires stimulés par les luttes anticoloniales et le reflux, le retour à l’ordre des années 80 (déjà prophétisé dans Le fond de l’air est rouge en 1974), dans l’espace où ces images d’archives se situent entre « les deux pôles de la survie » selon le cinéaste, le Japon et l’Afrique noire. Mais cela passe aussi par un retour sur La jetée, 1962, conçu comme un « remake » de Vertigo, 1958, de Hitchcock où cette confrontation révèle par le cinéma que le vertige de l’espace est aussi un vertige du temps.

51/ Altérations du processus créatif :

Peter Fischli et David Weiss, Le cours des choses, 1987 (Der lauf der Dinge) : dans ce film (30 mn réalisé en 16 mm), le processus créatif est réfléchi ironiquement dans une re-présentation d’esprit Dada des processus physico-chimiques par lesquels la science décrit la structure et le fonctionnement de l’univers (action-réaction, entropie, gravitation, friction, etc.) ; ces lois implacables dont se délectent les savants sont mises en scène dans un bricolage hyperbolique qui semble néanmoins, par la vertu d’un montage cinématographique occulté digne de La corde d’Hitchcock, se développer comme un mécanisme d’horlogerie : toutes ces choses fragiles, précaires, de guingois n’en accomplissent pas moins à merveille leur improbable fonction dans le processus mené jusqu’à son terme. L’ensemble dans ses moyens et sa composition fait allusion à d’autres esthétiques de l’art contemporain, comme le pop art, l’arte povera, Tinguely, le détournement artistique de concepts scientifiques comme celui d’entropie par Robert Smithson, mais aussi aux arts populaires de « l’effet domino » et du cinéma burlesque : l’ironie en est tout aussi implacable.

52/ Enchaînements formels :

Dan Flavin, Monument pour V. Tatline, 1964-1982 (Monument to V. Tatlin) : à partir des modules de tubes de néon qu’il utilise pour l’ensemble de son œuvre, l’artiste a réalisé une série de variations en hommage à Tatline, qu’il considérait comme son maître, ressemblant aux vues du Monument à la IIIe Internationale. Il rappelle ainsi que l’art minimal n’est pas réductible, comme on le pense souvent, à un « pur formalisme » refusant tout contenu, mais entend contribuer artistiquement à une réflexion vérifiée par la construction de l’expérience sur les possibilités et les moyens de la transformation du monde et de l’espace social selon l’Idée de justice. De plus, cette revendication d’une fraternité avec les artistes soviétiques de gauche conduit à s’interroger sur la réalité et la vérité du statut des artistes en régime capitaliste et notamment sur leur supposée liberté, telle qu’elle fut instrumentalisée par la propagande américaine de la « guerre froide » (notamment par la mythologisation romantique de l’« École de New York »).

53/ Autodéploiement de l’œuvre, accident, occasion :

Robert Smithson, Jetée en spirale, 1970 (Spiral Jetty) : jetée de roches en basalte noire construite sur le Grand lac salé près de Rozel Point dans l’Utah, formant une spirale s’enroulant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre sur une longueur de 450 m et d’une largeur de 4 m. L’œuvre construite en temps de sécheresse, est régulièrement submergée sous les eaux du lac rougies à cause des cristaux de sel dont elle est saturée, ce qui a pour effet de former des cristallisations blanches sur fond rose concentrées sur les bords de la jetée. Cette œuvre est le fruit des réflexions de l’artiste sur les mythes cosmogoniques (les eaux primordiales), la conception de l’univers et de la nature. Pour la bien interpréter, il convient de la mettre en rapport avec le film tourné par l’artiste lors de sa réalisation, lequel met en évidence ses implications cosmologiques et cosmogoniques en rapport avec la violence technique (insistance sur l’action de la pelleteuse confrontée à la pesanteur du matériau de construction) dans l’intention de contrer la manipulation de l’idéalisation romantique que risquait d’introduire la notion de Land art, à laquelle cette œuvre est rattachée.

54/ Lisibilité des valeurs :

Gerhard Richter, (avec la complicité de Konrad Lueg) Vivre avec le pop : manifestation en faveur du réalisme capitaliste, 11 octobre 1963 (Leben mit Pop : Démonstration für den kapitalistischen Realismus): exposition-performance organisée par Richter (originaire de l’Allemagne de l’est) dans un magasin de meubles en réponse ironique au pop art, dans un geste qui deviendra typique des artistes européens de la période qui s’attacheront à faire sortir le jeu avec l’image médiatique et consumériste de toute ambiguïté propice à des complaisances intéressées.

Hiller

55/ Relation à l’autre :

R. Tröckel/C. Höffer, Les cochons

Beuys

56/ Rencontre de la transcendance :

M. Cattelan, (Hitler)

Bill Viola, Chambre pour st Jean de la Croix, 1983 (Room for St. John of the Cross) : installation vidéo dont le dispositif repose sur des jeux d’emboîtement d’espaces et de basculement du dedans et du dehors, propices à témoigner des structures de l’expérience mystique ; la chambre est représentée par une boîte noire au milieu de l’espace d’exposition, éclairée de l’intérieur d’une lumière dorée, comportant une ouverture comme la fenêtre d’une cellule sans porte, rappelant la réclusion imposée au saint par les autorités. À l’intérieur de cette boîte on peut voir une table et une chaise en bois, sur la table sont posés une cruche en métal, un verre et un moniteur vidéo sur l’écran duquel on voit constamment un même paysage de prairie herbeuse couronnée d’une montagne lointaine avec ses neiges éternelles. Si l’on regarde attentivement cette image on comprend qu’il s’agit d’un plan fixe (et non d’un arrêt sur image) car on peut voir l’herbe bouger légèrement sous une brise à peine perceptible. À l’extérieur de la boîte, sur le mur du fond de l’espace d’exposition, sont projetés des plans pris cette fois sur une montagne sous un vent violent enregistré en prise directe et dont l’effet est accentué par de brusques sursauts de la caméra. Ces prises de vue sont projetées en grande dimension à l’échelle du mur, de telle sorte que la « cellule » apparaît dehors tout en se trouvant à l’intérieur de l’espace de l’exposition. De plus, le plan fixe et calme de la montagne à l’intérieur de la cellule, comme les plans mouvementés de montagne projetés au mur peuvent être interprétés comme des états intérieurs contrastés du saint, surtout pour qui a lu ses poèmes. Enfin, la brise légère fait allusion à Elie saint patron des carmélites dans 1 Rois 19, 12 lorsqu’il rencontre Yahwé sur la montagne de l’Horeb.

57/ L’utopie :

Yona Friedman

58/ Dialogue des cultures :

Beuys, Coyotte

59/ Nouvelle représentation, présent absolu :

Edward Kienholz, Monument aux morts

Laisser un commentaire