Explorer l'indéterminé : "Le monde de l'art est celui d'un Principe de Réalité différent, celui de l'altérité ; et ce n'est que par son altérité que l'art remplit une fonction cognitive : il communique des vérités qui ne sont communicables dans aucun autre langage, il contredit." Herbert Marcuse
Qui sont ces formes, ces créatures présentes ici dans l’espace ? On dirait bien des animaux, des poupées en forme d’animaux : une biche, un pigeon, un âne, des lapins un peu dodus dressés sur leur derrière, des astres habités par quelque chouette ou hanneton… Que font-ils ou elles ici ? Veulent-elles, veulent-ils quelque chose ? Sommes-nous attendus ? Leur faudrait-il quelque marque d’affection, d’empathie : une caresse, quelques mots, un baiser ? Rien qu’un regard ? Y aurait-il là un prince, une princesse en métamorphose endormis depuis l’éternité ? Peut-être Ulla Rousse, qui leur a conféré l’apparaître en ces lieux pourra-t-elle répondre, d’une façon ou d’une autre, à qui osera poser la question… Ou est-ce à nous qu’une question est adressée ?
Suédoises, elles ne sont pas arrêtées par les enjeux nationaux, historiques et politiques liés à ce nom, au monument et à ses protagonistes. Les artistes peuvent ainsi déployer une approche sensible, bien sûr, de ce que l’histoire et des bribes d’images qui en surgissent évoquent pour elles, parfois à travers certains aspects des objets, des vestiges de ce riche passé.
On assiste au cheminement d’une enquête intuitive, à la collecte d’indices, à travers ces traces artistiques, pièces à conviction d’une recherche en quête de sa propre question. Son point de départ, c’est la connaissance des lieux du palais qu’a Wiveka, en tant que guide, mais aussi toutes les évocations charriées par ce qu’elle choisit de dire à ses touristes et par les discussions avec Ulla, qui apporte son propre imaginaire.
Il s’agit plus profondément d’une rencontre entre ce lieu et les pratiques, les sensibilités formées par celles-ci, de deux artistes qui se connaissent et développent ainsi un dialogue à travers ce qui les retient, les intrigue, dans cet univers : des silhouettes, des personnages, des personnalités avec leurs énigmes, des objets qui font trace de leur intimité, des textures, des ambiances ressenties ou imaginées… Tout cela se transforme, se matérialise, se signifie en dessins, couleurs, choix de tissus, broderies, gravures, figurines, « poupées », textes et textures… appelés à résonner ensemble dans l’espace d’une, de plusieurs, expositions-environnements ; jusqu’au palais de Versailles même peut-être.
Un texte important de Mallarmé sur son ami, très utilisé par Pierre Bourdieu dans ses excellents cours sur ce qu’il appelle la révolution symbolique advenue par Manet.